La coopération qui est notamment vitivinicole partage avec ses adhérents producteurs la mise en commun, l’entraide c’est-à-dire ce que l’on a coutume d’appeler « les valeurs de la coopération ». Il y a une identité coopérative autant juridique qu’idéologique, ce qui a fait écrire qu’elle est « fille de la misère et de la nécessité »[1]. Vieille de quelques décennies elle est à un carrefour de son évolution si elle veut continuer d’exercer le rôle pour lequel elle fut imaginée et inventée. Le monde économique n’est plus le même. La commercialisation du vin, sa distribution sont en pleine révolution autant structurelle que digitale et financière. De nouveaux acteurs du négoce prennent des parts de marché, toujours plus importantes. Disposant de moyens matériels importants ils innovent et offrent des alternatives sans toutefois jouer le rôle irremplaçable des coopératives. Celles-ci ont besoin d’être performantes. Elles ressentent parfois le besoin de s’affranchir de certaines règles qu’elles pensent trop et inutilement contraignantes. Il y a là un vrai risque. Contrainte d’évoluer la coopération peut-elle perdre son identité ?

Les mutations nécessaires doivent être pensées au cœur de son identité et de ses valeurs. Tel est l’esprit dans lequel le droit qui a pour vocation de structurer la vie sociale et économique doit imaginer des solutions novatrices. C’est ce qui nous a animé avec Bastien Brignon (maître de conférences HDR à Aix-Marseille université, membre du centre de droit économique (UR 4224) et de l’institut de droit des affaires (IDA), directeur du master professionnel Ingénierie des sociétés) lorsque nous avons rédigé notre article « La SCIC : un modèle d’avenir pour les coopératives agricoles ? » paru à la Revue de Droit Rural de décembre 2020[2], après avoir répondu aux demandes d’une importante union de Caves Coopératives viticoles de Provence.

La SCIC (société coopérative d’intérêt collectif) n’a pas été créée par le législateur pour être le cadre juridique d’exploitation des caves coopératives. Pour autant cela ne lui est pas interdit. Elle est une coopérative au sens donné par l’Alliance Coopérative Internationale (ACI) dans sa déclaration de Manchester en 1955[3]. Double qualité, exclusivisme, porte ouverte, démocratie, a-capitalisme, formation et fédéralisme sont des concepts que le Professeur David Hiez qualifie de « droit souple ». Avec ses collèges qui structurent la participation des différents acteurs, dont les salariés, elle s’affranchit de l’exclusivisme au nom de l’intérêt collectif et de son utilité sociale qui l’identifient de manière spécifique. L’activité agricole en générale, et donc vitivinicole en particulier, est compatible avec ces deux critères impératifs d’existence d’une SCIC. Encore faut-il que la transformation juridique s’accompagne de l’adoption d’un projet définissant l’intérêt collectif poursuivi et l’utilité sociale choisie ; mais quoi de plus évident pour des coopératives tournées vers les enjeux et les défis du XXI° siècle ! La rémunération de l’adhérent en est aussi modifiée. Le producteur ne peut plus être rémunéré que par le prix de son service et/ou de son produit. Il ne peut plus être question que de fixer un prix selon des critères qui ne relèvent pas d’un rapport de société à associé mais de société à producteur ; L’interdiction de la ristourne corollaire du multisociétariat, clarifierait finalement les modalités de rémunération  sans pour autant porter préjudice ni à l’un ni à l’autre eu égard aux pratiques mises en œuvre depuis bien longtemps.

La transformation est encadrée par les dispositions légales et réglementaires de droit commun des sociétés. Il suffit de s’y soumettre et de faire le choix de la forme juridique adaptée. Il s’agit a priori de la société par actions simplifiée (SAS) ouvrant ainsi la voie à la liberté contractuelle. Car l’immense avantage de cette forme juridique est de rendre possible une écriture adaptée, cousue main en fonction de ce qui est voulu, des objectifs poursuivis et surtout des modes de « gouvernance », notion particulièrement coopérative. Véritables sociétés de projet les structures coopératives devenues SCIC peuvent ainsi mettre le pied dans l’ingénierie juridique dont elles pourront retirer  les moyens de l’innovation, de la performance, de la gouvernance tout en restant fidèle à leur « ADN » fondateur.

 

[1] J. Defrouny, Pratiques coopératives et mutations sociales : L’Harmattan, coll.

Logiques sociales, 1995, p. 16.

[2] https://www.lexis360.fr/Docview.aspx?&tsid=docview4_&citationData={%22citationId%22:%22PS_DRU_2020488SOMMAIREPS_2_0KTHS12%22,%22title%22:%2235%22,%22docId%22:%22PS_DRU_2020488SOMMAIREPS_2_0KTH%22}

 

[3] Déclaration internationale : www.ica.coop.

 

https://www.vitisphere.com/actualite-93168-La-SCIC-une-mutation-des-caves-cooperatives-a-aborder-par-leur-identite-et-leurs-valeurs.htm

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