Tremblement de terre dans le Bordelais ! Avec des répliques possibles sur tout le territoire national…
Le Tribunal correctionnel de Bordeaux vient de condamner pour délit de pratique commerciale trompeuse la société de négoce en vins de bordeaux les NOTABLES DE MAUCAILLOU (fondée en 1985) utilisant le nom « B. MAUCAILLOU » qui se trouve par ailleurs être celui d’un domaine bien connu dont son Président Pascal Dourthe par ailleurs dirigeant de la société poursuivie est propriétaire. Cette condamnation intervient au motif qu’après contrôles le vin ainsi commercialisé ne provient pas des vignes dudit domaine.
La défense se retranchait derrière le fait qu’il s’agit d’une marque purement commerciale n’ayant aucune nature domaniale à l’inverse des marques se prévalant du privilège de tènement. Ainsi entendait-elle déconnecter le nom du château de son tènement et de son lien avec le cru classé pour s’en servir en faveur du négoce du vin assimilables à des vins en vrac ou en tous les cas de moindre qualité.
Cette affaire fait grand bruit.

On sait le lien indéfectible qui unit les marques viticoles aux indications protégées :
Le droit au toponyme, c’est-à-dire, le droit d’utiliser une indication géographique pour désigner un produit, et en l’occurrence un vin, a pour origine une règle ancienne selon laquelle, « tout propriétaire peut donner à son vin le nom de la localité qui le produit » (B. Lafont, Noms de châteaux et marques viticoles : Thèse Bordeaux 1975, p. 7. – N. Olszak, Droit des appellations d’origine et des indications de provenance : éd. Tec. et Doc. 2001. – E. Agostini, Les marques viticiles : RD rur. 2009, étude 1, spéc. n° 16 et s.), également appelé privilège de tènement. Ce dernier demeure d’actualité en dépit des modifications législatives intervenues en droit des marques (en ce sens, E. Agostini note ss CA Bordeaux, 23 mars 2005 : D. 2005, p. 2397). Ainsi, deux conditions soient être impérativement remplies : le critère foncier et l’existence d’un lien direct entre l’activité viticole et le lieu dont le nom est utilisé à titre de marque.
La jurisprudence de la Cour de Cassation martèle avec constance que la marque d’un vin composée d’un toponyme est de nature à tromper le public sur l’origine du produit si les parcelles situées sur le lieu que ce toponyme désigne ne représentent qu’un faible pourcentage du vignoble exploité et s’il n’est pas établi que la production de cette parcelle fait l’objet d’une vinification séparée[1]
[1] Cass. Com., 30 mai 2007, n°05-21.498, Château des Barrigards : JurisData n°2007-039054

Ce lien ne peut être rompu pour utiliser une indication géographique comme une marque viticole.
La jurisprudence du Tribunal correctionnel de Bordeaux pose la question de savoir si la célébrité d’un cru interdit que son nom soit utilisé comme simple marque sans référence à l’appellation ?
Et la défense n’a pas manqué d’utiliser le fait qu’il s’agissait selon elle d’une marque de pur négoce par opposition aux marques domaniales traditionnelles et habituelles.
Et la défense n’a pas manqué d’utiliser le fait qu’il s’agissait selon elle d’une marque de pur négoce par opposition aux marques domaniales traditionnelles et habituelles.
Cette jurisprudence est déjà analysée par les spécialistes du droit des vins… « C’est une décision assez logique, qui va inciter tout le monde à la plus grande prudence » examine ainsi le professeur Ronan Raffray, le directeur du master 2 de droit de la vigne et de vin de la faculté de droit de Bordeaux. Pour qui ce jugement « ne condamne pas toutes les pratiques s’appuyant sur une marque domaniale forte pour valoriser un vin de négoce. Il faut cependant trouver un nouveau modèle à Bordeaux pour faire coexister ce mode de valorisation et une information appropriée du consommateur moyen, qui est le personnage clé de ce contentieux. Il faudra être ingénieux pour trouver un pont entre la marque de château et la logique de maison sans fragiliser le principe même de la marque domaniale. »
« Ce n’est pas une condamnation des vins de négoce, mais un appel à rectifier le tir en prenant en compte les autres jugements de marques similaires qui tracent une feuille de route des pratiques à proscrire (Ronan by Clinet et Petrus Lambertini) » confirme Céline Baillet, qui dirige le cabinet Inlex Bordeaux de Conseil en Propriété Industrielle. La juriste ajoutant que « la marque Maucaillou a commis de nombreuses maladresses en reprenant le même château sur ses étiquettes et en ne contrôlant pas sa communication ».[2]
Un appel a été interjeté.
Mais la question se pose d’ores et déjà de savoir si comme Monsieur le professeur Raffray et Madame Baillet le soulignent cette jurisprudence n’a finalement rien de très étonnant et si elle n’est pas la simple conséquence de la trop grosse ficelle commerciale qui avait été utilisée par la société de négoce du château BAUCAILLOU.
Les jurisprudences Ronan by Clinet[3] et Petrus Lambertini[4] inclineraient à la penser même si leurs solutions n’allaient pas directement dans le même sens.
L’enseignement qu’à ce stade on peut tirer de tout cela par rapport à la pratique de plus en plus courante des « vins de négoce » commercialisés par des domaines exploitant des crus classés est de respecter un minimum de transparence, de clarté et d’information par rapport à ce qu’est censé être le niveau de connaissances moyen du consommateur normalement averti.
Tout ne serait-il pas simplement au fond une affaire de mesure.